Pourquoi l’ homéopathie a-t-elle toujours des adeptes?
Comment est-il possible, au 21e siècle, de pouvoir encore parler d’homéopathie autrement que comme d’une croyance folklorique appartenant au passé ? Ne sommes nous pas tous censés sinon parler, du moins pouvoir comprendre de la même façon, un langage scientifique construit sur une base logique partagée par tous.
Que certains puissent croire (en l’homéopathie) vient, entre autres, d’observations d’efficacité (?). On peut envisager qu’il existe chez ceux-là une méconnaissance ou une mauvaise appréhension de ce que sont les biais de perception et de cognition. Il reste capital de continuer à communiquer dessus. Notre cerveau, en effet, possède une incroyable propension à créer des liens qui lui semblent logiques, à interpréter ce qu’il perçoit en fonction de ce qu’il connaît, ou croit connaître, de son environnement. En prendre conscience est indispensable avant d’entamer toute démarche scientifique. (Les illusions d’optiques ne sont qu’un exemple, mais tellement frappant, qui doit nous inciter à nous méfier de ce que nous percevons*). À partir du moment où on identifie ces biais, à partir du moment où on reconnaît l’effet placebo, où on admet que la guérison peut survenir spontanément ou pour tout autre raison que l’action propre du médicament, pourquoi en restent-ils toujours qui ne se laissent pas convaincre ?
D’accord, les bases de l’interprétation des études reposent sur une utilisation d’un domaine ardu d’une science repoussoir pour certains que sont les mathématiques : utiliser et comprendre correctement ce que sont les statistiques n’est certainement pas aisé. Mais les maths ne mentent pas… on devrait pouvoir s’entendre sur les résultats?
Peut-être existe-t-il aussi un réel manque de culture scientifique dans notre société, un défaut de promotion des sciences et d’enseignement de la démarche scientifique qui expliquerait cette difficulté à se retrouver autour d’un consensus de méthode. (D’ailleurs, la réforme du lycée, qui accentue les spécialisations au détriment d’une culture générale, va-t-elle vraiment dans le bons sens?)
Lorsqu’on se prétend sceptique, il paraît évident d’adhérer spontanément à l’adage « une affirmation extraordinaire demande des preuves plus qu’ordinaires » … Oui, mais, finalement, pourquoi ? Quelle justification à cela ? Un éclairage peut être apporté par un début d’intuition de ce qu’est le Bayésiannisme (merci à « Mr Phi » et « Science4All » -voir aussi pour une première approche la vidéo d’hygiène mentale-) : l’interprétation que l’on fait d’une statistique dépend aussi de notre a priori. Les statistiques ne disent pas une vérité, elles n’apportent pas de conclusion. Elles sont, et doivent rester, un simple outil, et l’interprétation qu’on en fait, la compréhension qu’on a du résultat d’une étude comprend toujours une part de subjectivité, inévitable, et même nécessaire pour s’approcher de la vérité. Selon notre a priori, on n’accordera pas la même valeur à telle ou telle étude. Et on peut toujours essayer de juger de la qualité des publications : les statistiques ne disent pas une vérité, et la (petite) part de subjectivité qui demeurera toujours dans l’évaluation et l’interprétation est probablement une explication des discordances d’opinions qui persistent aujourd’hui. Il existe « statistiquement » forcément des études (même bien faites !) qui valident les effets de l’homéopathie : selon notre a priori, on leur accordera plus ou moins d’importance. L’objectivité parfaite et totale est inatteignable : l’ensemble de toutes les études possibles sur un sujet est infini, et multiplier les études produit de toutes façons, obligatoirement de plus en plus de faux positifs (ou de faux négatifs). Il reste immanquablement toujours une part de « bon sens » dans l’interprétation, mais qui ne peut parfaitement se mesurer.
Critiquer la qualité des études est nécessaire, mais délicat, car, au delà de quelques éléments objectif, le jugement comporte inévitablement une part de subjectivité. (A moins de tomber sur une bonne grosse fraude mathématique … Ce qui se rencontre parfois). On peut aussi reconnaître à chacun ses raisons de (mal) penser. Il nous reste alors surtout le « rasoir d’Ockham », qui est un choix de pensée, logique et raisonnable, mais un choix avant tout. Raisonnablement, ce que nous connaissons aujourd’hui de la médecine et de la pathologie suffit à expliquer les guérisons que l’on rencontre.
*On par exemple aller voir la vidéo du National Géographic ou la série de films « Crétin de cerveau » de science étonnante.
Crédit image : Tech. Sgt. Ryan Crane